Menu
Libération
Éditorial

Investir

par Alexandra Schwartzbrod
publié le 31 janvier 2021 à 18h56

Certains jours, nous sommes pris de vertige à imaginer les services de Bercy lâcher à jets continus des dizaines de milliards pour renflouer une économie anémiée par la pandémie et des ménages à l’os. Comment le pays pourra-t-il rembourser de telles sommes sans léser les générations futures ? A bien y regarder, la question est tout autre : faudra-t-il même rembourser cette dette ? Oui, car il y va de la crédibilité du pays : si la France veut pouvoir obtenir de nouveaux prêts en cas de crise majeure, elle ne peut pas se défiler. Mais rien ne presse. Comme l’explique l’économiste Eric Berr, l’Etat - qui a une durée de vie infinie contrairement à un ménage - doit essentiellement être en mesure de payer les intérêts de sa dette afin de garder la confiance de ses créanciers. Et les taux d’intérêt étant actuellement nuls ou négatifs, cela ne coûte rien ou presque. L’Etat aurait donc tort de ne pas s’endetter. D’autant que cet argent ne tombe pas dans un puits sans fonds, il permet d’investir pour mieux préparer l’avenir. Il est impératif de bien comprendre ce mécanisme car le risque est grand que, une fois la crise sanitaire passée, le gouvernement ne prenne prétexte de la dette pour demander des efforts drastiques aux Français via des réformes néolibérales (retraites, chômage, impôts…) qui resserreront un peu plus leur licol. Et si, au contraire, le gouvernement profitait du coût très faible de cette dette pour investir massivement dans la transition écologique et la solidarité sociale ? Alors que beaucoup risquent de sortir exsangues de cette crise, n’est-ce pas le moment de donner la priorité aux parents pauvres des décennies passées et de la période actuelle : les hôpitaux, la recherche, l’éducation, la culture ? Voire d’envisager la mise en place d’un revenu de base minimum, une demande croissante au sein de la population ? La dette n’est plus un gros mot, c’est l’un des enseignements de cette crise. Utilisons-le à bon escient.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique